Changement climatique et poursuite du recours à l'énergie nucléaire : est-ce compatible ?

Rédaction : Anita Villers / Mail

Nos sources d’information

La loi Transparence Sûreté Nucléaire (TSN) du 13 juin 2006 a posé les bases législatives du système de sûreté nucléaire et notamment le principe de précaution. Elle a défini les procédures à respecter pour garantir l’information du public concernant les activités nucléaires et prévoir les structures de concertation et de débat à mettre en place pour ce faire.

Depuis de nombreuses années EDA participe aux diverses commissions créées par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et lInstitut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) pour répondre à cette obligation. L’objectif de la sûreté nucléaire consiste à protéger en toutes circonstances l’homme et l’environnement en empêchant la dispersion de la radioactivité. C’est dans ce cadre que l’exploitant doit notamment procéder tous les dix ans au réexamen complet de ses installations.

Après avoir rempli sa mission de contrôles des travaux effectués et, lors de réunions dédiées, celle d’échanges multi-acteurs au titre de l’information, l’ASN délivre ses avis et recommandations pour la poursuite ou non de l’activité.

Actuellement, les centrales françaises les plus anciennes sont soumises aux opérations dites de « grand carénage » dans le but d’allonger leur durée de vie de 10 ou 20 ans c’est à dire au-delà des 40 ans initialement prévus. Il s’agit de se rapprocher au mieux de la sûreté des réacteurs les plus récents et de renforcer certains équipements pour résister à d’éventuels tremblements de terre, mesures imposées suite aux retours d’expérience de l’accident de Fukushima.

La commission d’enquête de l’Assemblée Nationale examine également les dossiers   pour relever ce qui, selon elle, pourrait avoir des incidences fortes sur la sûreté. Actuellement, dans le cadre du prolongement des premiers réacteurs mis en service, cela concerne le vieillissement prématuré de pièces majeures, notamment la cuve, les signes de corrosion sous contrainte de diverses tuyauteries, les équipements à prévoir liés aux risques accrus du changement climatique (submersion marine – inondations ou eaux de rivières inutilisables pour refroidir les réacteurs en période estivale).

Ces mêmes points sont soulevés lors des réunions dites « dialogues » organisées par l’IRSN et l’ANCCLI – Association Nationale des Comités et Commissions Locales d’Information – en présence des représentants des producteurs, des autorités de contrôle, des membres des CLI et des associations.

Grâce à une évolution notoire de la transparence des informations fournies et à l’accès à de nombreux dossiers, ces rencontres régulières ont permis l’acquisition de connaissances essentielles pour aborder de nombreuses questions, demander des compléments d’expertise, exprimer doutes et même oppositions à certaines décisions. L’objectif est d’enrichir la fiabilité des dispositifs de sûreté mis en œuvre sur l’ensemble d’un parc de 56 réacteurs vieillissant mais aussi d’évoquer la problématique de la gestion des déchets et la pertinence des nombreux projets à venir.

La décision de fusionner ASN et IRSN risque de compromettre la richesse et la complémentarité de tels échanges, uniques en Europe.

2024-2025La suprématie du recours à l'énergie nucléaire

« quoi qu'il en coûte » « quels qu'en soient les risques »

1 – poursuite des investissements CIGEO centre industriel de stockage géologique

Quelques dates :

1991 : la loi Bataille instaure un programme de recherche pour gérer les déchets nucléaires haute activité vie longue, produits par l’ensemble des installations nucléaires jusqu’à leur arrêt puis leur démantèlement.

1998 : le gouvernement fait le choix du site de Bure en Meuse/Haute-Marne pour créer un vaste laboratoire souterrain en vue de tester la résistance des roches.

2000 : l’Andra – Agence Nationale des Déchets Radioactifs –  débute le creusement  de plus de 1800 mètres de galeries à 490 mètres de profondeur pour étudier la faisabilité de la construction d’un futur site d’enfouissement, solution qui sera définitivement retenue par le vote de la loi du 28 juin 2006 par le parlement malgré de vives contestations relatives à l’abandon de recherches d’alternatives et au fait de confier aux couches géologiques la gestion des déchets ultimes pour des milliers d’années sans prévoir de signes d’alerte pour les générations à venir.

2016 : la loi du 25 juillet définit les modalités de création de l’installation de stockage profond

2022 : CIGEO est déclaré d’utilité publique en juillet par décret en Conseil d’État

Galerie du laboratoire souterrain de Bure-Saudron
Galerie du laboratoire souterrain de Bure-Saudron © Noak/Le bar Floréal/Médiathèque IRSN

2023 16 janvier : dépôt par l’ANDRA de la demande d’autorisation de création (DAC)

Son coût, actuellement essentiellement financé par l’État, reste très flou « entre 15 et 30 milliards d’euros » pour le creusement d’un ensemble de galeries pour une surface évaluée à 15 Km2 auquel devront s’ajouter la construction d’infrastructures de transport, les conditionnements des colis, les bâtiments pour les réceptionner… : un chantier gigantesque nécessitant le recrutement de 1000 à 2000 personnes pour une mise en service vers 2035-2040.


2 – Réacteurs EPR – Réacteur Européen sous Pression

Malgré les déboires qu’a connu le premier EPR à Flamanville, la décision présidentielle de construire 6 paires de nouveaux EPR2 et de prolonger les vieux réacteurs de 40 à 50 ans voire même 60 ans pose de nombreuses questions  :

  • Sûreté car la nouvelle ASNR (fusion ASN-IRSN) devra démultiplier les contrôles de maintenance d’un matériel vieillissant, suivre les nouveaux chantiers en plus de ses autres missions dans les domaines médicaux et de recherche
  • Conséquences environnementales insuffisamment évaluées à long terme suite à la nécessité de préparer des socles pour recevoir les bâtiments des nouveaux réacteurs
  • Volet économique qui pourrait s’avérer insoutenable dans le contexte budgétaire actuel à en juger par ceux déjà engagés pour l’EPR de Flamanville

En ce qui concerne l’EPR de Flamanville : prévu à hauteur de 3 milliards d’euros il y a 12 ans, c’est plutôt 19 milliards d’euros dont il est question actuellement, une facture appelée à augmenter encore puisqu’il est déjà établi que le couvercle actuel est défectueux. Il devra être changé environ un an après son raccordement au réseau électrique : un arrêt d’autant plus coûteux qu’il exigera des mesures particulières pour la sécurité des intervenants du fait de la radioactivité de l’ensemble du matériel à changer et des conditions de stockage particulières à devoir mettre en œuvre.

Pour les nouveaux EPR dits EPR2 (deuxième génération) les premières estimations sont déjà revues largement à la hausse, à hauteur de 30%, avant même les premiers préparatifs des travaux concernant cet ambitieux projet, trop ambitieux ?

EPR2 Penly : premier de la série pour lequel EDF a obtenu le feu vert du gouvernement avant même la fin du débat national et le dépôt du rapport des garants, une décision unilatérale très contestable.

EDF a pu, de ce fait, dès le 28 juin 2023, concrétiser son programme pour la partie travaux préparatoires « d’un chantier exemplaire de très grande ampleur qui devrait démarrer en 2024 sous réserve de l’obtention des autorisations administratives ». Suite aux demandes de clarification exprimées par la Commission Particulière du débat public, EDF, en tant que maître d’ouvrage à ce stade, a tenu à apporter diverses réponses et à poursuivre une information continue avec le public.

Pour l’heure, devis qui enflent, plans inachevés concernant le bâti posent question quant aux délais de début des travaux mais ne remettent pas en cause les décisions. Par contre les impacts environnementaux pouvant s’avérer catastrophiques pour une grande partie du littoral de la Manche le pourraient-ils ? Ils suscitent en effet de vives oppositions argumentées car le déplacement de quantités énormes de sable et de galets pour préparer le socle des futurs réacteurs risque de modifier la force des marées et de fragiliser les falaises environnantes.

EPR Gravelines : le débat public s’est ouvert le 17 septembre 2024 et se poursuivra jusqu’au 17 février 2025. Nous comptons y participer et rédiger un cahier d’acteurs que nous évoquerons dans le premier Bouffée d’air 2025.


3 – 20 ans de travaux à la Hague

Le Conseil de Politique du Nucléaire de l’Élysée (CPN) a décidé le 26 février 2024  de maintenir la production d’électricité par l’énergie nucléaire et de poursuivre la stratégie de retraitement des combustibles usés à la Hague non plus par AREVA multinationale française démantelée en 2018 mais ORANO, entreprise détenue par l’État.

D’importants investissements sont donc prévus pour la création d’une nouvelle usine de retraitement des combustibles usés (démarrage prévu vers 2045-2050), ainsi que la construction d’un site de fabrication de Mox, combustible mixte uranium enrichi et plutonium (mise en service prévue en 2040) ainsi que trois nouvelles piscines (une 4e en option), d’une capacité de 6 500 t chacune pour une mise en fonctionnement en 2040.

Très contesté par les riverains, le projet EDF de construction d’une piscine géante pour accueillir les combustibles usés sur les bords de la Loire a finalement été abandonné ce qui nécessite, pour les piscines actuelles d’entreposage quasiment déjà saturées, d’ingénieuses prouesses pour stocker les combustibles usés des 56 réacteurs encore en activité jusqu’à l’ouverture des nouvelles installations.

Changement climatique et nucléaire

4 – Réorientation du site de Fessenheim

Suite à l’arrêt de la production d’électricité, la centrale de Fessenheim sera démantelée après refroidissement des réacteurs, ce qui nécessitera plusieurs années.

Une consultation pour avis est en cours actuellement pour le projet d’implantation sur le site d’un techno-centre, usine destinée au recyclage de métaux TFA (très faiblement radioactifs). Le gisement français de ces métaux issus de la maintenance du parc nucléaire et des premiers démantèlements est estimé à 500 000 tonnes.

Actuellement ces métaux (tuyauteries et autres pièces métalliques) sont stockés au CIRES, (Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage), géré par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), dans l’Aube. Réparations et démantèlements sont appelés à augmenter ces gisements d’où ce projet de valorisation qui donne lieu à un débat public qui a débuté le 10 octobre 2024 et durera jusqu’au 7 février 2025.

Dans le cahier d’acteurs que nous rédigerons, nous ferons état de nos craintes d’un manque de suivi de l’usage futur de métaux, certes recyclés, mais comportant encore des traces de radioéléments.

Fessenheim

5 – Militarisation de la centrale de CIVAUX

Informations GSIEN – Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Énergie Nucléaire
extraits de la Gazette n°303 – octobre 2024

Le ministre des Armées de l’ancien gouvernement a annoncé le 18 mars 2024 un accord de coopération entre EDF et l’État, au service de la dissuasion nucléaire, en utilisant la centrale de Civaux.

Le tritium pour alimenter la fabrication de bombes était produit dans deux réacteurs du CEA, Célestin 1 (1967) et Célestin 2 (1968) qui ont été arrêtés en 2009.

Sans nouvelles sources de tritium, à terme, les bombes françaises deviendraient inutilisables d’où la décision de militariser les deux réacteurs de la centrale de Civaux pour produire le tritium nécessaire.

La méthode consiste à utiliser du lithium en le bombardant avec des neutrons issus de la fission de l’uranium contenu dans les assemblages de combustibles.

Les grappes tritiées seront déchargées en piscine et conditionnées pour être envoyées dans une installation du CEA de la DAM (Direction des applications militaires) pour extraction et purification du tritium.

EDF affirme que cette production de tritium militaire « n’aura de fait pas d’impact sur l’exploitation de la centrale de Civaux » et « n’aura pas non plus d’impact sur la sécurité ou la radioprotection des salariés et s’inscrira par ailleurs totalement dans le respect de la réglementation applicable à la centrale en matière de protection de l’environnement » [EDF, 2/04/24].

A noter que la réaction chimique qui libère le tritium du lithium est d’une part exothermique (elle produit de la chaleur) et d’autre part neutrophage (elle absorbe de l’énergie neutronique). Ceci va rendre le contrôle du réacteur plus délicat.

C’est à l’ASN d’évaluer si ces déséquilibres sont acceptables ou pas.


6 – ITER

Le méga projet de fusion nucléaire situé à Cadarache dans le Sud de la France constitue un énorme défi à relever pour les ingénieurs des plus de 35 pays qui y participent depuis près de 20 ans. Le projet a pour objectif de démontrer que la fusion peut être utilisée comme source d’énergie à grande échelle, non émettrice de CO2, pour produire de l’électricité. Ce défi repose sur plusieurs étapes : le réacteur est conçu uniquement pour produire un plasma de fusion qui nécessitera l’ajout d’un autre réacteur pour produire de l’électricité. Par sa complexité et son budget hors norme, ce projet de haute technologie suscite actuellement de vives controverses : des subventions essentiellement sur fonds publics passant de 10 milliards en 2008 au double actuellement, des retards en cascade pour une première étape uniquement d’ordre technologique, sans production d’électricité.

La mise en route du réacteur est repoussée à 2034 au lieu de 2025, ce qui risque de démobiliser l’apport financier de certains partenaires.

A cela s’ajoutent les risques liés aux matériaux très spécifiques utilisés : la nécessité de produire des quantités importantes de tritium et la résistance des matériaux utilisés dans les enceintes de confinement jamais testée jusqu’à présent.

Les objectifs semblant inatteignables, est-il envisageable de stopper le projet ?


7 – SMR –  Réacteurs de petite taille – Montée en puissance

Douze SMR français sont aujourd’hui en exploitation : ce sont essentiellement les installations nucléaires dédiées à la propulsion des sous-marins et du porte avion Charles de Gaulle (domaine militaire secret)
Pour le domaine civil :  le 21 mars 2024, huit projets ont été désignés lauréats par l’État et soutenus à hauteur de 102,1 millions d’euros. Des SMR pour répondre aux besoins d’énergie ou de chaleur sur diverses zones industrielles.

Beaucoup de questions se posent : sachant que certains projets seraient pilotés à distance, quelles réactions notamment en cas d’accidents, quels risques concernant la radioactivité à proximité de ces installations, quels combustibles, quels contrôles, quelle gestion des déchets et où ?

Les exemples développés à l’étranger attestent de conceptions longues et surtout coûteuses avant mise en service d’un prototype de démonstration. (Gazette GSIEN n° 302 – mai 2024 à ce sujet)

L’avant-projet EDF NUWARD a été abandonné pour cause de difficultés liées à son design et surtout de complications techniques dues à la nécessité de miniaturiser les équipements des réacteurs à eau pressurisée : des innovations nécessitant des coûts rendant le dispositif trop coûteux pour les potentiels acheteurs. Un nouveau projet nécessite de revoir l’ensemble de la conception avec des délais repoussés au-delà de 2030 et de nouveaux investissements.

Quelques exemples de projets en cours d’expérimentation et en passe de déposer un dossier de demande de création (DAC) auprès de l’ASN

NAAREA (réacteur à sels fondus), qui selon son concepteur est une « solution très compacte, puisque l’îlot nucléaire tient dans un container de la taille d’un autobus, une miniaturisation qui permet de s’affranchir de l’eau pour refroidir le réacteur, qui n’a donc pas besoin d’être placé à côté d’une source froide comme une rivière ou la mer. Cette solution permet de ne pas avoir d’impact sur la ressource en eau, le refroidissement s’effectuant grâce à la convection naturelle » La start-up prévoit une mise en service du prototype d’ici 2028, sans technicien sur place pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du futur parc : un argument qui risque de poser question pour l’autorisation ASN ne serait-ce que concernant le risque incendie !

JIMMY : le 27 mars 2024, a été déposée une demande d’autorisation pour construire un atelier d’assemblage au sein de la plateforme industrielle située au Creusot. Il est prévu d’y assembler les éléments de combustible nucléaires constitutifs du cœur des générateurs Jimmy. Ces assemblages seront ensuite entreposés, puis chargés sur des camions et expédiés vers les sites des clients de Jimmy, pour une production de chaleur industrielle. Dès à présent se pose la question du démantèlement de ces unités destinées à ne durer que 20 à 30 ans maximum et pour lesquelles n’existe aucune filière de stockage pour la cuve ni pour les combustibles usés irradiés.

Le 29 avril 2024 – Jimmy – a déposé un dossier de demande d’autorisation de création (DAC), auprès du ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, pour un projet de générateur thermique, qui, s’il passe toutes les étapes d’instruction et d’autorisation, pourrait être implanté sur un site industriel pionnier :  le complexe de Cristal Union/Cristanol de Bazancourt dans la Marne qui comprend une sucrerie et la plus grande usine de production de bioéthanol de France. La distillerie Cristanol est assujettie à la directive Seveso seuil haut et coproduit des aliments pour animaux et des alcools pour l’industrie cosmétique.

… et d’autres dossiers à venir

Si les petits réacteurs sont de moindre puissance, ils sont néanmoins radioactifs. Les exigences de sûreté doivent donc permettre de surveiller les conséquences sur les populations proches et les milieux de vie, d’éviter les risques d’accidents potentiels et surtout d’assurer la gestion des déchets.

Cela constitue un défi, en particulier en l’absence de retour d’expérience significatif sur certaines des technologies présentées : des enjeux de sûreté qui concernent surtout le cycle des combustibles particuliers utilisés par ces divers réacteurs.

Certes, avec d’autres autorités de sûreté nucléaire européennes notamment l’ASN ou plutôt l’ASNR travaille sur des objectifs de sûreté harmonisés pour les petits réacteurs modulaires et cherche des moyens de coopération internationale.


8 – Sans oublier…

… Les coûts liés à la nécessité de visites de contrôles tous les cinq ans au lieu de 10 si l’autorisation de prolonger l’activité des réacteurs de 40 à 50 ans de fonctionnement est accordée par l’ASN après les visites décennales obligatoires

… Le financement des futurs démantèlements

… Les risques d’un accident toujours possible, aux conséquences catastrophiques à très long terme

L’ASNR « nouvelle formule » aura-t-elle les moyens (humains et matériels) d’étudier les divers dossiers d’autorisation de créations SMR mais aussi EPR qui lui seront soumis en plus des missions de contrôle de toutes les installations réparties sur l’ensemble du territoire ?

La transparence telle que pratiquée ces dernières années sera-t-elle encore de mise ? Les avis réguliers de l’IRSN suite aux nombreuses expertises menées seront-ils encore systématiquement publiés comme c’est le cas actuellement, de même que le baromètre annuel de la perception des risques et de la sécurité par les Français ?

Programmation Pluriannuelle de l’ÉnergieNe devait-il pas y avoir une nouvelle loi en 2023-24 ?

Adoptée par décret le 21 avril 2020 suite à la loi transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, la PPE a pour objectif de  fournir un cadre stratégique permettant de définir les orientations énergétiques du pays. Elle est prévue pour 10 ans mais découpée par périodes consécutives de cinq années : elle s’applique ainsi aux périodes englobant 2019 à 2023 et 2024 à 2028.

Deux objectifs majeurs énoncés par le président en 2018

Le premier : réduire les consommations par une montée en puissance de la sobriété énergétique et la rénovation de 2,5 millions de logements d’ici 2023. Constat : trop peu d’investissements ont été consentis pour isoler un maximum de bâtiments et le passage au tout électrique pour les véhicules pose problème (coût, matériaux pour les batteries, recyclage…)

Le second : modifier le mix énergétique avec la réduction de 35% du recours aux énergies fossiles et la fermeture des 4 dernières centrales charbon, passer de 71% en 2018 à 50% le recours au nucléaire en 2035, doubler les capacités installées en termes d’énergies renouvelables d’ici 2028 avec le lancement d’une dizaine d’appels d’offres chaque année, faciliter la montée en puissance de la production de biogaz (investissement à hauteur de 10 milliards pour accompagner son développement)

Constat : 2023-2024 nous assistons à une réorientation totale des choix en matière de production d’électricité avec davantage de projets favorisant le recours au nucléaire considéré comme « bas carbone ».

Le 3ème Plan national d’Adaptation au Changement Climatique – PNCC3 – vient d’être élaboré. Il est actuellement en consultation jusqu’au 27 décembre 2024 : des constats pertinents, des orientations ambitieuses, mais d’un point de vue pragmatique, concret, qu’en est-il de projets d’une indispensable montée en puissance des « réelles » énergies renouvelables que sont l’éolien et le solaire ?

Les projets de chantiers stagnent et restent à l’évidence trop modestes au vu des potentialités du littoral français. La mesure 31 page 43 du plan n’évoque pas les énergies renouvelables pourtant plus rapides, moins coûteuses, pour atteindre l’objectif neutralité carbone en 2050.

L’ambition du gouvernement, en matière de fourniture d’énergie, s’est concentrée sur la construction d’EPR, qui, au mieux, seront à peine opérationnels à cette échéance. Pour répondre à une demande en électricité qui va augmenter pour répondre au « quasi tout électrique » (chauffage – voitures…) envisagé dans ce nouveau plan, éolien et solaire seraient plus adaptés justement.

La programmation 2018-2028 n’est pas respectée : dès 2023 les choix envisagés en matière de fourniture d’énergie ne correspondent plus aux plans annoncés.  Comment donner du crédit aux débats en cours pour des investissements exorbitants pour une production d’électricité à échéance de plus de 20 ans ! Il y a, à l’évidence, un problème de méthode qui conduit à une réelle perte de confiance de la pertinence de la concertation ! Devant être révisée tous les cinq ans, la prochaine période couvrira 2024-2033 et « devrait » faire l’objet d’une nouvelle loi officielle de programmation pour redéfinir des objectifs largement modifiés en cours de mandat.

Dernière minute… il suffisait d’en parler !

« La concertation préalable du public sur la 3e Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la 3e Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’ouvrent à partir du lundi 4 novembre 2024 pour une durée de 6 semaines » : un délai très contraint pour un sujet aussi complexe ! Dossier à suivre…

A-t-on encore besoin d’autant de réacteurs ?

Alors que les pays voisins investissent massivement dans la sobriété énergétique et les énergies renouvelables disponibles beaucoup plus rapidement, des déchets beaucoup moins dangereux et dont les perspectives de recyclage sont envisageables à moyen terme.

L’exception française du recours à l’énergie nucléaire est-elle soutenable car elle nécessite :

  • des investissements colossaux pour construire les 6 à 8 paires d’EPR envisagées par le président et des rejets massifs de CO2 pendant leur construction contrariant l’atteinte des objectifs 2030
  • des moyens supplémentaires pour l’ASNR pour assurer la multiplication des contrôles pour prolonger les anciens réacteurs
  • la poursuite de notre dépendance vis à vis des pays producteurs d’uranium et autres minerais indispensables
  • des besoins accrus pour le stockage profond de déchets à durée de vie estimée à des milliers d’années, une gestion déléguée aux milieux naturels sans signaux d’alerte des futures générations

La France a-t-elle les moyens d’investissements aussi colossaux à si long terme dans le contexte actuel de restrictions budgétaires  ?

Avec quelques autres pays européens pro-nucléaires, elle espère obtenir de Bruxelles le vote d’une « directive bas carbone » incluant le nucléaire en remplacement de la directive « énergies renouvelables » et ouvrant de ce fait droit à des aides financières pour les projets EPR à venir, sans doute dérisoires face aux montants à envisager !

L’expression des associations risque t-elle d’être limitée ?

C’est une situation que nous avons déjà évoquée à partir d’exemples concrets 2023-2024 (Bouffée d’air n° 168 – 1er trimestre 2023).

De récents articles publiés par diverses associations nationales confirment cette tendance qui, pour certaines, se traduit par des limitations voire suppressions de subventions en fonction de l’intensité des oppositions qu’elles expriment.

Que deviendront, suite à la fusion ASN-IRSN, les rencontres « dialogues ouverture à la société », seront-ils maintenus ?

Changement climatique et nucléaire

Ces engagements permanents nous ont conduit à organiserune rencontre grand public