Les traités de libre échange de l’AGCS 2003 au Mercotur 2018

L’Accord Général sur le Commerce des Services : conférence 10 février 2003 – Villeneuve d’Ascq – Susan George

Susan George, est une écrivaine franco-américaine, militante altermondialiste et présidente d’honneur de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC)

Susan George est venue faire une conférence sur l’AGCS et le danger qu’il représente pour nos sociétés. Vice-présidente d’Attac en 2003, spécialiste de l’Organisation Mondiale du Commerce Susan George a notamment écrit Remettre l’OMC à sa place, aux éditions Mille et une Nuits. Présidente de l’Observatoire de la mondialisation.  Elle a eu un rôle très important dans la campagne et la victoire contre l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI), en 1997.

L’Organisation Mondiale du Commerce

Du GATT à l’OMC

Je vais faire une présentation très rapide de l’Organisation Mondiale du Commerce, on commence à la connaître un peu mieux, maintenant. Mais je vais procéder comme si vous ne saviez rien de cette organisation, c’est encore le cas de beaucoup de Français et de nombreux citoyens de par le monde. Alors que l’OMC régit de plus en plus notre quotidien, et de nombreuses manières. L’OMC été fondée le 1° janvier 1995, donc assez récemment. Elle est sortie du dernier cycle de négociations sur le GATT, l’Accord Général sur les Tarifs et les Commerces (General Agreement on Tariffs and Trades). Le GATT existe depuis 1947, il a eu pour tâche de baisser les tarifs industriels à la frontière de tous les pays membres. Il a bien accompli cette mission puisqu’il a réduit ces tarifs d’environ 40 à 50 %.

Court rappel historique : Les Etats-Unis ont cassé un projet qui se serait appelé l’organisation internationale du commerce, qui était une invention de Keynes, le grand économiste, et qui aurait donné beaucoup de droits au Sud. Il prévoyait déjà la décolonisation, etc. Mais les Etats-Unis ont cassé ça. Et on a gardé à la place cet organisme, le GATT, qui travaillait sur les tarifs douaniers et qui a bien fait son travail puisqu’il a réduit les tarifs douaniers à travers une série de négociations dites « rounds » (ou cycles de négociations), le Kennedy Round, le Tokyo Round. Le dernier s’appelait l’Uruguay Round et il a commencé vers le milieu des années 80. Et dans ce cycle, il était clair que les grandes entreprises, particulièrement américaines, voulaient un accord sur la liberté du commerce de type tout à fait néo-libéral, qui ouvrait les frontières bien davantage et dans beaucoup plus de domaines lucratifs. Et ce sont ces firmes qui ont vraiment poussé à la roue pour qu’on ait une négociation pour créer une organisation à la fois internationale, mais aussi globale dans sa portée.

Et on a négocié cela pendant huit ans. Je savais des choses sur la brevetabilité du vivant. Je savais qu’ils négociaient ça dans l’accord sur la propriété intellectuelle. J’ai même fait partie d’une ou deux manifestations à ce sujet. Mais vraiment on n’avait aucune idée de l’ensemble des accords qu’on était en train de négocier. Il y a aussi un accord sur les obstacles techniques au commerce. On a défini une liste de choses que vous pouvez faire, que vous ne pouvez pas faire. Il y a un accord sanitaire ou phytosanitaire, qui fixe les standards ou normes minimum, mais que vous ne pouvez pas dépasser. Si vous voulez avoir des normes plus élevées que dans cet accord, vous ne pouvez pas. Et puis il y a l’accord qui est vraiment le nerf de la guerre, qui crée l’organe de règlement des différends, qui est le tribunal, qui est la Cour Suprême de l’OMC. Un pays peut traduire un autre pays parce que ce pays entrave le commerce de telle ou telle manière.

Les transnationales et la création de l’OMC

Mais au milieu des années 80, beaucoup d’industriels, d’entreprises transnationales, ont voulu une organisation qui ne limite pas son champ d’action aux seuls biens industriels. Ils ont beaucoup agi pour avoir une organisation qui couvrirait également les services, la propriété intellectuelle, l’agriculture ; qui mettrait en place des accords ; qui aurait surtout un tribunal contraignant capable de faire jurisprudence et de faire imposer ses décision. Remarque de l’ancien Directeur des Services à l’OMC : « Cette organisation n’aurait pas existé sans les immenses pressions des transnationales américaines du secteur des services financiers, notamment American Express et Citycorp. Sans ces pressions, il n’y aurait pas eu d’OMC, et probablement pas d’accord sur les services du tout »… Donc voilà comment est née l’OMC, elle a maintenant 144 pays membres. Il faut l’envisager comme une sorte de grande tente qui abrite plusieurs centres, une organisation qui couvre de très nombreux accords spécialisés. On en compte deux bonnes douzaines.

Donc, cette OMC est, comme il se doit, parfaitement adaptée aux besoins des transnationales, très présentes pendant les négociations, conseillant sans relâche leurs gouvernements. Elles continuent à le faire, dans le domaine des services, à travers des lobbies, qui ont pour nom « la Coalition des Industries de Services » ou « le Forum des Services Européens ». Ce Forum a d’ailleurs été créé par La Commission Européenne: un organisme de cet ordre n’existait pas en Europe, et le Commissaire a voulu monter son propre lobby pour être conseillé sur les services. Il a téléphoné à un camarade banquier en Angleterre qui a invité 85 grosses entreprises. Elles font maintenant partie de ce Forum qui est très présent, qui a l’oreille de Commission, et des rapports privilégiés avec elle. Il ne faut jamais s’étonner de voir que, dans une organisation comme l’OMC, la première place est tenue par les grandes entreprises. Pas de manière officielle, mais très réellement.

Disparités entre Nord et Sud

Les pays du Sud sont membres à part entière, mais le Sud a très peu d’influence, même si l’OMC fonctionne sur le principe: « un pays, une voix ». D’abord, il n’y a jamais de vote. Par exemple, l’élection du nouveau Directeur Général pose problème : le Sud a son candidat et le Nord le sien. Les pays du Sud demandent un vote. L’ambassadrice de Etats-Unis répond : « On ne peut pas voter, cela détruirait la tradition démocratique du consensus qui est celle de l’organisation ». Le Sud a donc beaucoup de pays, mais peu de moyens et très peu de pouvoirs. A Genève, au siège de l’OMC, les pays du Sud se regroupent à plusieurs pour se partager le même ambassadeur, faute de moyens. L’un d’eux disait : « L’OMC, c’est comme un cinéma multiplexe. Il faut savoir quel film vous voulez voir parce que vous ne pouvez pas les voir tous! ».

Un paradoxe : l’ignorance des parlementaires

Il y a tellement de négociations dans tellement de domaines –  sans compter les multiples comités permanents – qu’il est absolument impossible, quand ou n’est pas un membre important comme les Etats Unis ou comme l’Union Européenne, de suivre tout et d’avoir la haute main sur tout. Voici ce que disait le deuxième directeur général de cette organisation en 1998 : « Je doute que les gouvernements aient encore apprécié toute l’étendue de leurs engagements ». Cela n’est pas étonnant : les engagements qui ont donné naissance à l’OMC font 600 pages, c’est plus serré que le Bottin de Paris, avec quelques milliers de pages d’annexes. Les parlementaires ont voté ces textes comme un seul homme dans tous les pays. En France, ils ont eu le document un jeudi soir, ils ont voté le mardi matin, c’est dire s’ils étaient très au courant du contenu de ces 600 pages ! Aux Etats-Unis, où le processus est plus long, une organisation non gouvernementale a lancé un appel aux parlementaires américains en leur disant : « On donne 10 000 dollars à l’œuvre de votre choix si vous pouvez vous présenter en assurant que vous avez lu le texte et répondre à 10 questions simples à son sujet. On donne cette somme, en votre nom, à une association contre le cancer, ou autre. Personne ne s’est manifesté. On a prolongé un peu le délai. Un sénateur s’est présenté, il a juré qu’il avait lu le texte, a répondu aux questions, et a tenu ensuite une conférence de presse pour dire : « J’ai voté pour tous les accords de libre échange, cette fois-ci, je voterai contre. Maintenant, je sais ce qu’ils contiennent! ». Mais le texte est passé quand même, et c’est comme cela que l’OMC a vu le jour. Si le Sénat et le Congrès américain, si les parlementaires français ne savaient pas ce qu’ils signaient, vous pouvez imaginer ce qu’il en était pour les pays du Sud !

Quels sont les secteurs que l’Accord Général sur les Services a intégrés ?

Je ne parlerai ici ni de l’agriculture, ni de la propriété intellectuelle, régies par des accords spécifiques; je ne parlerai pas non plus des accords spécialisés. Mais voici les grands chapitres de l’AGCS : service aux entreprises, communication, prospection et engineering, distribution, éducation, environnement, finances, santé et services sociaux, tourisme, loisirs, culture et sports, transports…et si on a oublié quelque chose, le texte de l’Accord mentionne: « autres »! (…). Il faut ajouter l’énergie, qui était considérée avant comme un bien industriel. Il y a 160 sous-secteurs, environ. La liste complète serait fastidieuse.

Tout le monde est concerné !

L’article 1 dit d’abord : « Les services fournis dans l’exercice de l’autorité de l’État sont exclus de cet accord. »

Mais aussitôt après, l’article ajoute : »Un service fourni dans l’exercice de l’autorité gouvernementale s’entend de tout service qui n’est fourni ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs autres fournisseurs. »

Ecoles, hôpitaux, services sociaux, culturels, seraient donc aussi en concurrence avec le secteur privé ??

Au début, la Commission européenne prétendait que le service public n’était pas du tout concerné, qu’on n’avait rien à craindre. Mais tout récemment, elle a affirmé qu’elle allait protéger le service public, qu’elle n’allait pas faire d’offre dans le domaine de la santé, de l’éducation, de l’audiovisuel ! C’est une victoire pour le mouvement politique contre cet AGCS. La Commission est obligée maintenant de reconnaître la vérité de ce que nous disions, et qu’elle a nié pourtant, jusqu’à ces derniers jours : les services publics étaient aussi concernés.

Un traité évolutif pour une libéralisation accrue

Il faut bien comprendre que cet AGCS n’est pas un traité fini. C’est un cadre. Un autre article précise : « Il y aura des séries de négociations qui devront avoir lieu périodiquement dans le but d’atteindre des niveaux de libéralisation accrue. Il faut toujours aller dans le sens de la libéralisation progressive. » En clair, dans le monde idéal pour ceux qui ont rédigé l’AGCS, ce processus sera achevé lorsque tous les grands domaines cités précédemment auront été ouverts au commerce, autrement dit, aux entreprises des autres pays, autrement dit, privatisés. Ils seront devenus des objets marchands. C’est cela, le GATT.

Ce n’est pas pour tout de suite mais  ce qui est vrai, c’est qu’on peut encore dire « non », cette fois-ci. Mais si les citoyens relâchent leur vigilance, un nouveau cycle de négociations ACGS pourra être lancé dans deux ans, dans trois ans, et ouvrir de nouveaux domaines à la concurrence, dont les services publics.

Dispositions réglementaires : leurs conséquences

Il faut savoir, même si c’est un peu compliqué, un peu technique, que des lois, des règles variées et complexes, régissent l’AGCS.

  • Certaines s’appliquent à l’ensemble des services, à tous les domaines que je viens d’énumérer. Par exemple, les service aux entreprises couvrent les commissaires aux comptes, les avocats, les architectes, mais aussi la grande distribution et les petits commerces. La Culture intègre les bibliothèques, les musées… toutes les activités humaines sont concernées.
  • la clause de la nation la plus favorisée : une règle de  fonctionnement. On ne peut pas accorder un traitement à un membre de l’OMC, sans l’accorder à tous les autres
  • D’autres règles ne s’appliquent qu’aux secteurs dits « engagés ». Le gouvernement de chaque pays membre a le droit faire une liste les services qu’il est prêt à ouvrir à la concurrence. Au moment de la naissance de cette organisation, nous ne savions pas ce qui se passait : beaucoup de pays, dont la France, ont inscrit sur leurs listes d’engagements des domaines aussi importants que l’éducation supérieure ou l’environnement. Désormais, toutes les négociations ont pour objectif d’amener les uns et les autres à allonger ces listes d’engagements positifs. C’est extrêmement complexe.

D’autres contraintes s’ajoutent à cette réglementation :

  • L’accès au marché. Si un pays ouvre l’un de ses services à un autre pays, il doit l’ouvrir à tous les membres de l’OMC.
  • Le traitement national. Un état ne peut pas traiter le fournisseur de service d’une transnationale autrement dit, d’un pays étranger, moins bien qu’il ne traite ses propres fournisseurs.
  •  Les quatre modes. Tout service peut faire l’objet d’un commerce international de quatre manières différentes, quatre « modes », dans le jargon de l’OMC. Le premier et le deuxième sont parfaitement classiques.

Premier mode : vous êtes chez vous mais vous consommez un service dans un autre pays. Ex: le coup de fil à l’étranger. Deuxième mode : vous allez dans un autre pays, consommer un service sur place. Ex: le tourisme, les déplacements, se faire soigner dans un autre pays. Le mode trois, c’est l’investissement à l’étranger, ça s’appelle « la présence commerciale ». Vous avez le droit d’investir chez quelqu’un d’autre, dans un autre pays, parce que vous dites : « Je ne peux pas fournir ce service si je ne peux pas être sur place. Et ma présence exige une certaine forme de propriété, le rachat d’entreprises sur place… Le quatrième mode s’appelle « le mouvement des personnes physiques ou naturelles ». C’est l’immigration temporaire ou permanente. Une firme dit : « Je ne peux pas fournir tel service si je n’emmène pas mon propre personnel qui est formé à mes méthodes. » Pour l’instant, seuls les cadres supérieurs et les techniciens supérieurs sont concernés. Dans la pratique, cette disposition pourrait concerner des ouvriers, du bâtiment (par exemple). Dans une étude sur les services de santé, le Secrétariat de l’OMC fait la remarque suivante : ce mode 4 permettrait d’importer du personnel – infirmières ou médecins, par exemple – qui pourrait être plus efficace, plus qualifié, et/ou moins cher que celui que l’on peut trouver sur place.

Une menace bien réelle pour les services publics

La Commission nous assure que les services publics ne sont pas menacés : dire cela, c’est faire preuve d’une innocence coupable ! L’objectif de notre combat, ce n’est pas d’essayer de faire peur aux uns et aux autres, en assurant que demain matin, il y aura un grand changement ! Ce que nous disons, c’est que ce processus sera sans fin, que l’objectif de l’OMC, c’est d’inclure des marchés potentiels gigantesques dans le cadre commercial. La santé, c’est le plus gros marché du monde. S’il était complètement marchandisé, cela représenterait 3 trillards de dollars : 3 suivi de 12 zéros! L’éducation, à peine moins : 2 trillards1/2. L’éducation est déjà marchandisée sous sa forme électronique, il suffit de voir la grande extension des compagnies d’éducation américaines, australiennes, néo-zélandaises. Tout cela est en marche et créera, sans aucun doute, des systèmes éducatifs à 2 ou à 3 vitesses.

Où en sommes-nous ?

2001-2002,  première phase: demande d’ouverture des services

De grandes négociations ont eu lieu lors de la réunion ministérielle de Doha, au Qatar, au mois de novembre 2001. Elles ont relancé les accords sur les services, et dans d’autres domaines également : l’agriculture, la propriété intellectuelle. Les ministres ont décidé que tous les pays membres devraient faire des demandes avant le 30 juin 2002. Chaque membre de l’OMC doit adresser aux autres la liste des services qu’il souhaite, lui, le premier, voir libéraliser sur le territoire de l’autre. Donc chaque membre envoie des demandes et en reçoit de la part des autres membres. Tout ceci dans le secret le plus absolu ! Pas de discussion au Parlement Européen : c’est la Commission qui négocie pour les 15 pays de l’Union. Elle a élaboré des listes de demandes, et, par une fuite, nous avons eu connaissance de celle qu’elle a envoyée à 29 partenaires commerciaux. Parmi ces partenaires, les pays riches : Etats-Unis, Japon, Canada ; les pays moins riches mais aussi importants : Mexique, Brésil, Argentine, Corée, Vénézuela, Thaïlande, Indonésie, Nigéria, Afrique du Sud. Chacune de ces demandes fait une trentaine de pages, extrêmement détaillées. On demande dans tous les cas l’ouverture de la poste, on demande dans tous les cas l’ouverture du secteur de l’eau : un secteur que la commission qualifie d »offensif ». De manière générale, beaucoup de demandes concernent aussi le tourisme, puis l’énergie, et ensuite, le transport.

Vaincre les réticences des États : une pratique de l’OMC

Chaque fois que l’on touche à un secteur qui impose des limites à l’investissement étranger, on demande au pays concerné d’abroger la loi qui fait obstacle. Par exemple, en Indonésie, une loi stipule que les étrangers ne peuvent pas posséder plus de 49% des biens dans le domaine du tourisme, l’un des grands secteurs d’activité pour la balance commerciale de ce pays. Aussitôt, La Commission demande que cette loi soit abrogée. Même chose au Mexique, même chose dans chaque cas. Les demandes visent justement les domaines qui n’étaient pas destinés à être  privatisés…

Les interventions auprès des membres de l’OMC sont extrêmement ciblées, elles sont mises au point par des bureaucrates qui ne font que cela. Un « Country officer » est désigné pour se charger d’un pays, il est le technicien de la commission pour ce pays. Il a une grande connaissance des difficultés notamment des Pays du Sud et les incitent à accepter les propositions « pour se protéger ». Ils n’ont pas la capacité à résister pour se protéger au contraire.

La phase des offres : secteurs visés

Maintenant, la phase des demandes est terminée. Nous sommes dans la phase des offres jusqu’au 31 mars 2003. C’est le même procédé : chaque pays, sur la base des demandes reçues, fait des offres initiales aux partenaires commerciaux. Toujours dans le plus grand secret. Il n’y a pas de débat public là-dessus. La Commission va en premier lieu  donner la possibilité aux cadres et aux techniciens des pays tiers de venir 6 mois sur 12 en Europe, au lieu de 3. pour se former dans les domaines proposés à l’ouverture du marché. Les offres les plus conséquentes concerneront les services légaux, la comptabilité, les commissariats aux comptes, l’architecture, l’engineering, et aussi – c’est assez étonnant – l’aménagement du territoire, les paysages, etc…

La Commission va également faire des offres qui iront très loin dans le domaine de la poste et du courrier. Le secteur des télécom, déjà très ouvert, le sera davantage encore, ainsi que le service de l’environnement, notamment le traitement des déchets, des eaux usées, etc…Ouverture également dans certains secteurs des transports et de l’énergie, et grande ouverture dans le domaine financier : banques, compagnies d’assurances, etc… Par contre, il n’y aura pas d’ouverture des services dans l’audio-visuel, ni dans l’éducation,  ni pour les les bibliothèques, ce qui est positif pour le moment.

La phase des négociations : les risques

Ces propositions vont former la base d’une négociation qui durera jusqu’au 31 décembre 2004. Signature : au 1° janvier 2005. Sur la table des négociations, il n’y aura pas que les services.  A chaque grande négociation des ministres de l’OMC, tout est débattu dans la même session : l’agriculture, les tarifs industriels, et la propriété intellectuelle, etc…Comme le déclarent les ministres, c’est un engagement unique Ou il y a accord sur tout, ou il n’y a pas d’accord du tout. Ce que nous craignons, c’est qu’à la dernière minute, pour sauvegarder un secteur, on en libéralise un autre. Par exemple, la France est très à cheval sur les problèmes de l’agriculture : elle a failli casser les accords de Doha en novembre 2001, parce qu’elle n’obtenait pas satisfaction dans ce domaine. On ne peut exclure le risque qu’elle dise, en fin de négociations : « Pour préserver l’agriculture, je fais des offres supplémentaires dans le domaine des services. »  

Le MEDEF et l’OMC : convergences

La priorité du MEDEF : les services qui  sont l’avenir. La France est le 3° fournisseur au monde ; il faut être très vigilant et ajouter aux listes de l’OMC les « Nouveaux Sujets ».

Trois « Sujets » retiennent l’attention du MEDEF :

  1. L’ouverture des marchés publics. Si cette proposition est acceptée, les achats des gouvernements doivent être ouverts aux enchères venant du monde entier.
  2. La facilitation du commerce par la réduction des problèmes douaniers aux frontières. Sur ce point, tout le monde est d’accord, et je crois que c’est une des priorités du MEDEF.
  3. Un accord particulier sur l’investissement. Dans l’AGCS, le mode 3 concerne déjà l’investissement : il s’agirait de réintroduire des éléments que contenait l’AMI – l’accord multilatéral sur l’investissement- contre lequel nous nous sommes battus. On a chassé l’AMI par la porte, il va revenir par la fenêtre si les Nouveaux sujets sont retenus!. Autrement dit, le MEDEF veut étendre les compétences de l’OMC, nous, nous voulons, non seulement ne pas les étendre, mais les réduire.

Quels sont les axes de lutte ?

Premier axe : une demande de transparence.

Nos parlementaires nationaux ou européens ne sont pas informés de tout ce processus de marchandisation, ou alors, ils le sont, comme nous le sommes, par le biais des fuites. C’est vraiment la moindre des choses que les représentants de la Nation de chaque pays européen puissent discuter en tant que tel de ce que l’on demande aux autres, de ce que l’on offre aux autres, de ce qui nous est demandé et de ce qui nous est offert!

Pascal Lamy nous dit : « Il est traditionnel de ne pas livrer les bases d’une négociation. On ne peut pas négocier si tout le monde sait tout. » Je réponds à cela que  la tradition n’est pas toujours une bonne chose ! Il s’agit de l’avenir de la collectivité, les décisions ne peuvent être prises en petit comité ! S »ils le pouvaient, les responsables de l’OMC mettraient la démocratie totalement entre parenthèses pour gouverner « sérieusement » entre gens qui commercent. Les représentants du peuple, les débats publics, ça nous encombre et ça ne nous intéresse pas. » Ils disent aussi : « Nos partenaires ne veulent pas que ces listes d’offres et de demandes soient publiées. »

Nous répondons à cela que nos partenaires à nous, les écologistes, les syndicats, les petits paysans, les ONG, veulent savoir, évidemment : la transparence, c’est vraiment la demande minimum.

Deuxième axe : une demande de moratoire sur les négociations de l’AGCS.

Nous devons la faire avant septembre, ce qui est trop court. Ce moratoire est prévu dans les textes. C’est extraordinaire, mais c’est prévu : avant toute nouvelle négociation, il doit y avoir une évaluation, générale et par secteur. Cette évaluation n’a jamais été conduite, mais elle figure dans l’article 19-3 :  nous voulons un moratoire pour que cette évaluation soit effectuée, et avec la pleine participation de tous les citoyens. Nous ne voulons pas étendre les pouvoirs de l’OMC. Pas de nouveaux sujets : c’est l’une des grandes demandes du Sud. Il voit dans cette offensive une arme supplémentaire pour réduire à néant ses propres secteurs, comme les banques, les assurances, si l’on ouvre l’investissement, et pour laminer ses propres fournisseurs si l’on ouvre les marchés publics au tout venant.

Troisièmement : réclamer que l’OMC respecte les règles internationales

Nous voulons aussi que, dans sa jurisprudence, l’OMC soit soumise au droit international élaboré ailleurs. Donc, nous voulons que l’OMC soit soumise aux droits de l’homme, aux protocoles économiques, sociaux, culturels, civils et politiques, aux grands accords sur l’environnement.

Pour l’instant, l’OMC ignore superbement tout droit international, elle ne fait pas partie de la famille des Nations Unies, alors que son prédécesseur, le GATT, en était. Il faut des règles certes, mais l’OMC ne peut pas les élaborer toute seule.

Nous voulons l’abrogation de l’article de l’AGCS qui définit les services publics de manière tellement restrictive que cette notion ne concerne plus que l’armée, la police, l’état-civil à peu de choses près…Que chaque gouvernement puisse décider de ce qui est un service public chez lui !

Nous demandons le respect des principes de précaution en matière d’environnement et de santé publique, l’interdiction des brevets sur les vivants, couverts par l’accord sur la propriété intellectuelle, et l’accès pour tous aux médicaments génériques de base contre la tuberculose, le sida, la malaria. On était à deux doigts de cet accord, les États-Unis viennent de le bloquer. Enfin, nous demandons le droit, pour chaque pays, de protéger sa souveraineté alimentaire, sa souveraineté agricole et de garder sa petite paysannerie. Voilà ce pour quoi nous nous battons.   

C’est taillé sur mesure pour les grands groupes. L’opacité est de mise pour que les gens ne puissent pas comprendre.  C’est antidémocratique : les citoyens apprennent tout ça très tard quand c’est déjà en vigueur. C’est beaucoup plus difficile de se débarrasser de quelque chose qui a déjà été voté que de quelque chose comme l’AMI qui n’avait pas encore été entériné. Donc on a pu battre l’AMI, mais l’OMC c’est beaucoup plus difficile. Un grand travail d’éducation populaire tournée vers l’action s’impose

AGIR :

  • interpeller les parlementaires, faire un grand effort d’éducation populaire pour informer leurs concitoyens sur ce que représente l’AGCS.
  • Appliquer la « stratégie Dracula » : exposer l’accord à la lumière. Si vous arrivez à l’y maintenir jusqu’à ce que l’information se diffuse, il a tendance à se ratatiner et à mourir comme Dracula.

Où en est-on en 2018  ??

AGCS : beaucoup de villes, communes, associations  en Europe se sont déclarées « Hors AGCS » ce qui a beaucoup limité les signatures d’accords espérées par l’OMC – il y n’y a pas d’informations sur ce qui a été signé ou pas, par qui et à propos de quoi…   

Le TAFTA n’est pas signé : Donald Trump , président des États Unis l’a remis en cause

Le CETA :  traité de libre échange entre l’Europe et le Canada est signé à titre provisoire. Il entrera en vigueur lorsque tous les parlements européens l’auront voté.

Le Mercosur : l’Union européenne négocie en toute opacité  des accords de libre-échange avec les Pays de l’Amérique du Sud : Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay notamment. Cet accord présente les mêmes menaces que celles dénoncées sur le TAFTA et le CETA, avec des conséquences désastreuses pour les agriculteurs, les droits des consommateurs du fait de normes différentes concernant surtout les viandes bovines.

.. la veille doit rester permanente..